Pour celles et ceux qui sont sensibles à la beauté et à la personnalité des ânes (merci kri et Linaudoo pour vos coms) voici un extrait du romande Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta (Goncourt 2004)  Essayez d'imaginer à quoi ressemblerait cet âne décrit dans ce passage. C'est vraiment trop drôle !


"Le vieil âne était là, dans l'air chaud de cette pièce aveugle. L'âne qu'ils avaient ramené de Naples et dont ils n'avaient jamais voulu se débarrasser. Ils l'utilisaient pour transporter le tabac de San Giocondo à Montepuccio. La vieille bête était infatigable. 

Elle s'était parfaitement acclimatée au ciel des Pouilles et à sa nouvelle vie. A tel point même que les Scorta la faisaient fumer. La brave bête adorait cela et ce spectacle faisait les délices des enfants du village. ou de ceux de San Giocondo qui, lorsqu'ils la voyaient arriver, lui faisaient escorte en hurlant : ' E arrivato l'asino fumatore ! L'asino fumatore ! '  L'âne fumait en effet. Pas les cigarettes du tabac, c'eût été donner de la confiture aux cochons - et les Scorta étaient trop avares de chacune de leurs cigarettes. Non. sur la route, ils arrachaient de longues herbes sèches, en faisant un fagot de l'épaisseur d'un doigt et y mettaient le feu. L'âne tirait dessus tout en marchant. Avec une placidité total. Rejetant la fuméee par les naseaux. 
Lorsque la tige rétrécissait et que la chaleur devenait trop intense, il crachait le mégot, crânement, ce qui faisait toujours rire les Scorta. C'est pour cette raison qu'ils  avaient baptisé leur âne 'Muratti', l'âne fumeur de Montepuccio
. "

 



1 génération plus tard ...


"Elia s'arrêta. Il repensa au vieil âne Muratti. L'âne fumeur de ses oncles. Combien de fois étaient-ils montés dessus, lui et son frère Donato, avec la joie des conquérants ? Combien de fois avaient-ils supplié zio Mimi ou zio Peppe de leur faire faire un tour ? Ils adoraient le vieil âne. Ils le regardaient en pouffant de rire fumer ses longues tiges de blé. Et lorsque le vieil animal, avec son œil torve et malicieux, finissait par cracher le mégot avec la nonchalance d'un vieux chameau du désert, ils applaudissaient à tout rompre. Ils avaient aimé cette vieille bête "

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